"Pour un développement humain, intégral, solidaire et participatif, en harmonie avec le vivant"

 
 
 
 
 
 
 
 

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Rencontre avec Bernard Lecomte
 

http://www.riehlatinoamerica.org/index.php/2020/09/15/lebret-por-bernard-lecomte-03-07-20/

Elles sont peu nombreuses les personnes qui ont personnellement connues L.-J. Lebret : Roland Colin, Paul Houée, Hugues Puel,… Bernard Lecomte est aussi de ceux-là. Âgé de plus de 90 ans, il vit actuellement en Haute-Savoie, après avoir consacré toute sa vie professionnelle et militante à agir pour le développement harmonisé et solidaire.

Dominique Lesaffre l’a rencontré pour l’informer des évolutions récentes du RIEH. A cette occasion il nous a transmis des notes où il fait état des différents contacts qu’il a eus avec Lebret.

En voici des extraits.

 

 

Guillemets

 

             Caluire

 

Et, après trois années alsaciennes passionnantes, je démissionne  de mon premier employeur, Gillet-Thaon et, dans la foulée, sonne à la grille du Centre d’études d'EH, situé non plus à l’Arbresle mais désormais à Caluire. Lebret avait quitté Caluire en 1957, au grand dam de l’équipe, pour  fonder à Paris avec quelques amis, l’IRFED, Institut de recherche et de formation pour le développement harmonisé qui, selon lui, travaillerait « à l’échelle du monde ».

 

 

Quelques mois auparavant, il m'avait consacré, à Paris, une heure et demi. Je le connaissais depuis dix ans mais seulement par ses conférences et des échanges à table, lors de rencontres entre groupes locaux d’Economie et Humanisme, comme ceux de Roubaix et du Haut Rhin. Quand j’ai eu besoin de m’orienter avant mon départ de Gillet-Thaon, il m’a reçu. Un homme expérimenté qui donne sa confiance et écoute  peurs, dégoûts et rêves, quelle bénédiction ! Il me dit : "J’ai pris en charge, avant la guerre, les pêcheurs français en allant dans chaque port les écouter ". A Mulhouse, j’avais - à l'usine - observé les limites de l’approche directive et - à Otmarsheim- passé du temps à entendre ce que les gens disaient avant de leur proposer depuis l’extérieur, quoi que ce soit. Il m'encourage à quitter le textile et à rester disponible.

 Cette invitation à attendre, peu compatible avec mon envie de tracer mon propre parcours, je l'avais entendu, l'année précédente, d'un consultant-psychologue consulté entre deux trains de nuit, à Bruxelles quand - désarçonné par mon patron alsacien - je doutais de moi :" Ne craignez  pas d'avoir votre propre façon d'être, soyez disponible aux événements, m'avait-il conseillé, et saisissez ceux  qui vous paraîtrons porteurs de sens, pour vous-même". Cette phrase a éclairé la suite de mon cheminement, jusque-là marqué par des fidélités au passé.

 

A Caluire, dans un parc le long de la rive gauche de la Saône où j'ai nettoyé bien des sous-bois, j’ai retrouvé des amis, en particulier Robert Caillot et Gabriel Turin. Le lieu était propice pour attendre en paix jusqu'à épuisement des économies et vente de la Simca Aronde bleue. Au sein du Centre d'études, je loge du coté "couvent", partage les repas et souffre d'une certaine indigence des conversations et de la morosité des rapports humains. Heureusement, Gabriel Turin.. J’ai dépouillé des enquêtes, appris à faire des "grilles", des "échelles de niveau ", des damiers et des schémas avec Fernand Lerouge, lu des livres sur la faim et le développement et participé, en mai 1958, à la première session de l'IRFED à la Maison du Caoutchouc, à Paris.

 

1958, c’était le retour de de Gaulle, et la promesse des indépendances des peuples africains. Une période fascinante. L’ambiance était à l’optimisme, parmi la poignée de gens qu'il intéressait et rassemblait. Il était, par exemple, évident pour nous, jeunes et béotiens, qu’une fois libérés des chaînes de la colonisation, ces peuples allaient avancer, et vite ! On lisait et discutait « Géopolitique de la faim » du Brésilien Josué de Castro, et « Croissance zéro » d'Alfred Sauvy et d' économistes, comme Gunnar  Myrdall et François Perroux, dont  bien des paragraphes me dépassaient.

 

Une fois avalés ces livres, il restait à saisir ce que vivait Lebret et certains équipiers, toujours en déplacement, et qui m'avait frappé, dès ses conférence en 1947, à Lille : « Tu veux savoir, va voir ». Et je n’étais pas tellement enthousiaste de ses propres idées sur le « développement harmonisé », comme il le définissait, mais plus de sa façon de regarder, écouter, noter, rendre compte, provoquer. Lui, avec les pêcheurs de tout le littoral français, avait passé plusieurs années à enquêter, estimer et chiffrer mais, en même temps, il épaulait les débuts de leurs organisations professionnelles. Il aurait pu écrire:  « Méfie-toi du livre, suis l’acteur », plutôt que « suis l'objet ».Car  son objet était la façon dont les hommes agissent ensemble pour sortir de leurs difficultés. Et le titre de son dernier livre : « Dynamique concrète du développement » exprime que son axe de travail était bien réflexion/action. Malheureusement, épuisé par la fatigue et la maladie, il n'eut ni le temps, ni la force d’écrire ce livre lui-même et des étudiants, dont Alain Dubly, l'ont rédigé, à partir de textes et enquêtes diverses.

 

 Lebret passait de temps en temps à Caluire et nous avait raconté que l’une de ses tâches désormais était de conseiller le tout récemment nommé chef du gouvernement du Sénégal, M. Mamadou Dia, ex-député à l'assemblée nationale française et élève de François Perroux et que, pour réaliser sa mission, il se ferait aider par une équipe. Nous suivions ses pérégrinations incessantes grâce à son journal rédigé en pattes de mouche, avec force détails, constats et réflexions, que sa secrétaire déchiffrait, tapait et faisait suivre aux équipes EH, IRFED et  à bien d'autres.(Voir Annexe)

 

L'envie de donner un coup de main aux « nouveaux Etats africains » est venue d'une réflexion politique : nous doutions de la réalité des indépendances, à venir, mais accordées à condition qu'on reste dans la communauté française !  On parlait déjà de développement, et notre petit groupe s'est construit autour de l'idée d'un développement le plus africain et, dans le cas en question, le plus sénégalais possible. Ce que cela voulait dire, nous étions peu capables de le préciser mais conscients cependant du danger de penser à leur place, étant donné notre désir de les aider.

 

 En novembre 1958, entre deux portes, il me dit : "J’ai conseillé à Georges de t’embaucher car il ne pourra pas être là-bas tout le temps. Tu as fait des enquêtes, c’est ce que tu feras". Je connaissais un peu " Georges " car j'avais participé à des rencontres d’EH où il avait travaillé plusieurs années comme l'un des permanents." Des enquêtes, oui Père, mais pour en faire quoi ?" " Pour réaliser des études préalables à la planification ". "Mais je ne connais rien en planification"."Oh, qui s’y connaît ? Et on t’aidera par un tel ou un tel.

...

 

ANNEXES

 

Exemples de notes  de LJ. Lebret venues du Viet Nam en janvier 1959:

 

" Pour nous, micro et macro-analyses sont inséparables: on ne comprend pas le petit sans référence au tout, ni le tout sans connaissance profonde du petit. Pour nous, étude et engagement vont de pair : on ne voit pas bien le réel si l'on ne s'y rend pas responsable ".

" Plus que l'avidité de plus avoir, la haine du miséreux, personne ou peuple, provient de ce qu'il n'a été ni compris, ni estimé, ni aimé. La technique de la mise en valeur doit être appliquée avec amour, et celui qui aime est seul capable de communier à tout l'humain. Il n'est pas indifférent pour l'objectivité, en sciences sociales, de considérer l'homme et les groupes avec amour.

" Nous v«us demandons de nous aider à déceler les besoins des hommes et à combattre les tares qui affectent, à tous les échelons, les collectivités. Nous vous demandons de nous aider à perfectionner nos méthodes d'analyses des faits so­ciaux et de la conjoncture économique, sociale, politique totale. Nous vous deman­dons do nous aider à préciser la dynamique du développement, la théorie do la civi­lisation, la formation de la morale collective. Nous vous demandons de nous aider propager le grand dessein, à déclencher la grande passion de la montée humaine solidaire.

" L'ftae des privilégiés est devenue vide à mesure que leurs désirs maté­riels se comblaient. Nous vous invitons à la pauvreté qui arrête le désir à ce qu suffit. Tout l'au-dessus enchaîne et mutile.

" Ce que je veux, ce n'est pas votre argent, c'est vous, disait Saint Paul Nous vous convions aux véritables enrichissements: celui de votre esprit arrivant peu à peu, après de longs efforts studieux à l'école du réel total, à comprendre 1 monde ; celui de votre vouloir s'appliquant à apporter la réponse aux besoins et au appels des  " Le problème est :

                " Le problème est technique et il est spirituel. Qui refuse de 1e considérer sous ces deux aspects est tissure de ne point le résoudre."

               " Engages-toi pour que ceux qui sont hors du coup, qui sont non considérés, qui - eux-  mêmes ne se considérant pas comme grand-chose - sont abattus, puissent trouver leur voie comme les autres."

 

Pour aller plus loin, un article a été publié sur notre site latino-américain, dont voici le lien >> Bonne lecture !

 

 

 

 

 

 


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